Ailleurs

  • La dame d'Asnières

    En 2015 elle avait 82 ans et officiait dans le plus grand cimetière pour animaux d’Europe à Asnières près de Paris. Elle avait offert une sépulture à son chien il y a vingt ans et depuis elle venait chaque jour nourrir les chats. Des chats vivants qui se sont installés à l’endroit des chats morts. Ils sont nombreux, le lieu est calme et ils sont protégés. Ils sont bien nourris car les visiteurs de tombes ont toujours quelque chose à leur donner.

    Elle, c’est dans un panier en jonc tressé qu’elle installe ses coupelles de croquettes et ses boîtes d’aliments. Dès qu’elle arrive ils sont tous là. C’est une belle femme de 82 ans qui met un point d’honneur à prendre soin de sa santé afin de durer auprès des chats. Est-elle toujours vivante?

  • L'Italie

    Elle a toujours aimé l’Italie. La Rome de Simone De Beauvoir et de Jean Paul Sartre. La Venise de Dominique Rolin et de Philippe Sollers. Elle s’en approche de près. Elle a migré avec Montaigne par la voie romaine. Elle a parcouru avec Michel Ange les carrières de marbre de Carrare. Elle a beaucoup écouté les enfants des immigrés du Frioul. Elle a bien ri auprès de l’ami des montagnes du Val d’Aoste. Elle aime les femmes italiennes qui portent si bien le sud et elle a rêvé dans l’Orient Express entre Paris et Venise.

    Depuis 2095 l’Italie est fermée aux touristes dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine artistique terrien. Le rêve n’étant pas encore interdit, elle poursuit son chemin avec l’Italie.

  • Marguerite Yourcenar

    Sa maison en bois sent le pain chaud et le thé les jours de neige.

    Elle fait la cuisine et écrit chaque jour.

    Marguerite est homosexuelle dans une époque pionnière, elle vit avec sa compagne depuis longtemps.

    Elle voyage souvent en Europe, elle aime la Grèce et l’Italie.

    En Espagne, elle est allée sur le lieu des derniers moments de vie de Fédérico Garcia Lorca.

    Marguerite Yourcenar est morte en 1987.

  • Square Georges Brassens

    Je croise la lune en sortant du bar. Il est tard et tôt à la fois. Elle est pleine et ne me quitte pas. Dans la descente de la rue qui tourne elle m’accompagne puis m’éclaire le chemin qui mène à la cabane en bois. Les jardiniers arrivent plus tard ce mardi là et j’ai le temps de me raser. Le soleil a remplacé la lune, il me chauffe dans les allées en ce matin de janvier. La journée, la cabane en bois du square Georges Brassens est l’atelier des jardiniers. La nuit, elle est mon domicile. Seuls la lune et le soleil le savent.

    Ne le dites à personne, merci.

  • Paulo

    Paulo a tout préparé dimanche. Il a travaillé lundi et pris une journée de congé aujourd’hui. Il s’est installé au petit matin. Des amis l’ont aidé pour transporter le sable et les deux palmiers. L’idée est bonne mais la date choisie, un peu moins. Paulo a froid. Assis sur son transat de plage, il a du se résoudre à mettre un peignoir. Il ne pouvait résister en maillot de bain. Sa pancarte est réussie, elle attire le passant. Aux dernières nouvelles, il est toujours en place, aucun représentant de l’ordre n’est passé.

    Si vous habitez Bordeaux, allez voir Paulo, soutenez-le. Vous le reconnaitrez, il est installé au bord de la Garonne, peu avant le pont de pierre, sur un transat posé sur un tas de sable, entouré de deux palmiers et une pancarte : “Bordeaux plage”. Il aimerait que Monsieur le Maire passe dans la journée.

    (Mardi 5 février, jour de carnaval à Bordeaux)

  • Pibale

    Pibale, civelle, petite anguille de l’Adour et de la Garonne, les chinois t’ont voulu, les basques, les landais, les gascons t’ont perdu. Les rives du Sud Ouest ont assisté à ta naissance au monde mais ta vie est désormais mise au rang d’une valeur boursière. La chine t’attend et te réclame. Ne renie pas tes origines, reste gasconne.

    Sois fière de représenter, en Chine, un bout du continent européen en ce lendemain d’un siècle où Capbreton vivait de toi.

  • Une belle femme

    Ce fut certainement une belle femme. Dans son regard, des traces de beauté sont encore bien présentes. Elle est maintenant une vieille belle femme. Elle a l’allure des vieilles qui habitent les documentaires sur les Indiens ou les Lapons. Sa peau a le teint sombre, ses yeux sont petits et en amande, ses cheveux sont noirs et attachés en nattes comme autrefois. Elle porte une jupe longue, un gilet et un foulard coloré. Ses oreilles sont ornées de grandes créoles en or. On peut hésiter quant à son origine. Voyante, Indienne, Gitane, peu importe. Elle a posé sa branche de buis à bénir sur la chaise.

    Elle est seule à une table et boit une bière brune en attendant l’heure de la messe, à la terrasse du bar en face de l’église.

  • Le malin de Bidart

    Pays Basque, plage de Bidart. Il installe un cerf volant, il enfile une combinaison de plongée et prend sa planche de surf. En quelques instants, il devient un surfer volant. C’est un malin qui se laisse porter par l’eau et l’air! Les autres, à ses côtés, se laissent portés seulement par l’eau, souvent en vain!

    Le surfer est un basque de Bidart, ce n’est pas Bixente, il n’est pas footballeur. C’est un malin.